AccueilBlogQu’est-ce que le tannage du cuir ? (Partie 1)
Qu’est-ce que le tannage du cuir ? (Partie 1)
Date de publication
Date de mise à jour
Auteur de la publication
Aurélie
Vaste sujet qui divise, mais tellement passionnant ! Chaque article parlant du cuir vous dira, à juste titre, qu’il s’agit d’une des plus anciennes matières au monde, résultant d’un savoir-faire ancestral. En effet, depuis des milliers d’années, le cuir résulte de la valorisation d’un “déchet” animal provenant de gibiers chassés, depuis l’époque de la préhistoire jusqu’à l’industrie alimentaire aujourd’hui. Le cuir est une matière issue de la transformation de la peau putrescible d’un animal en une matière imputrescible. Derrière vos sneakers en cuir, un long processus de tannage est nécessaire, bien avant la mise en production de celles-ci.
Historique du cuir
On ne peut pas parler de tannage du cuir sans parler de son Histoire et de l’évolution de l’industrie du cuir. Mais revenons d’abord aux origines millénaires de cette matière. Découvert dès la préhistoire par nos ancêtres, le cuir est d’abord considéré comme un simple « déchet » alimentaire, mais il devient rapidement une matière première indispensable pour la protection du corps contre le froid et les intempéries. Celui-ci servait également à la création d’habitations. Très vite, en raison de son odeur, les méthodes pour travailler le cuir se multiplient ; comme par exemple la technique du tannage à la fumée pour rendre le cuir imputrescible. Cependant, celle-ci se relève être très lente et rend la peau de l’animal trop rigide.
C’est peu de temps après que le tannage végétal est découvert. Ce procédé artisanal utilisant des écorces et autres tannins (substances organiques) de végétaux rendait les peaux plus souples et plus faciles à travailler.
Cependant, ce n’est qu’au Moyen-Âge que le travail du cuir se développe vraiment avec des peaux provenant d’animaux issus de l’industrie de la viande tels que les vaches, les porcs ou les moutons.
Au 16ème et au 17ème siècle, l’essor du cuir devient de plus en plus important et les tanneries et tanneurs spécialisés se multiplient sur le territoire national. A cette époque, le cuir était considéré comme l’une des seules matières durables à la fois souple et résistante dans le temps. Le tannage est réalisé avec une méthode artisanale de tannage végétale : à base de poudre d’écorce.
Cependant, cette méthode est longue et rudimentaire et le tannage peut prendre jusqu’à plusieurs mois !
Dans les années 1850-1880, grâce aux avancées de la chimie, le fameux tannage au chrome est découvert par la chimiste allemande Knapp. Depuis, 90% de la filière utilise du cuir tanné chimiquement.
Dès lors, le développement de la chimie permit une énorme efficacité et une amélioration des rendements de production du cuir. Le cuir s’est fortement industrialisé et professionnalisé depuis, permettant l’émergence de peaux exotiques comme le crocodile ou l’autruche, entre autres.
Malgré sa perte de popularité depuis quelques années, le cuir reste aujourd’hui une matière durable utilisée par des milliers d’entreprises françaises. Dans son livre blanc, le Conseil National du Cuir estime que la filière du cuir représente aujourd’hui 9 400 entreprises, dont plus de 80% de PME et de TPE, 130 000 emplois et 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires dont 12 milliards à l’exportation. Un sacré bassin d’emplois en France donc !
Les types de cuirs
Il est important de comprendre quels sont les différents types de cuirs et leurs caractéristiques avant de passer au sujet tannage. La transformation des peaux en cuir est un procédé complexe. Quand celles-ci arrivent à la tannerie, il faut les conserver et empêcher leur dégradation. Cette étape s’appelle le salage. L’étape du salage consiste à recouvrir les peaux de sel afin de les vider de leur eau pour mieux les conserver. Ensuite, les sels sont enlevés et les peaux nettoyées pour leur permettre de sécher tranquillement puis d’être stockées et triées. Il n’existe pas qu’un type cuir. Évidemment, cela dépend de la peau de l’animal, de son épaisseur et du grain, mais aussi de son utilisation et de ses besoins.
Les cuirs “exotiques” proviennent d’animaux comme le crocodile, le serpent, l’autruche ou encore le lézard, souvent élevés spécialement pour leurs peaux.
Blousons en cuir
Le cuir de vachette, provenant de bovins adultes est, quant à lui, l’un des plus utilisés par l’industrie aujourd’hui car il est considéré comme l’un des plus robustes. Ce dernier est utilisé en maroquinerie ou encore en doublure ou en tige de baskets.
Le cuir d’agneau est un cuir provenant souvent du Maghreb. Très apprécié car il s’agit d’un cuir souple et moelleux. Il est utilisé dans l’industrie textile pour des blousons et en maroquinerie pour des sacs souples. Il peut être très fragile et il est donc nécessaire de l’entretenir régulièrement. Attention au frottement du sac sur le pantalon par exemple !
Le cuir de veauprovenant de jeunes bovins. La peau est fine et délicate avec peu de défaut.
Les appellations du cuir
Il existe plusieurs appellations pour le cuir que vous avez surement déjà entendues :
Cuir véritable : indique que le cuir est d’origine animale et non synthétique. En revanche, cette appellation ne précise ni la provenance, ni s’il s’agit d’un cuir de chèvre, d’un cuir de veau, d’un cuir d’agneau ou encore d’un cuir exotique !
Le cuir “nappa”:cuir lisse et soft obtenu en utilisant la plus “belle” partie de la peau avec le moins d’imperfections possible à la surface du cuir. Il est traité en surface pour un résultat souple et lisse quel que soit le cuir utilisé, agneau, veau, vache etc. Il s’agit d’un cuir haut de gamme fin et résistant à la fois. Celui-ci est utilisé en revêtement automobile ou en blouson par exemple. Attention tout de même aux taches de gras, aux sources de chaleur et à l’eau !
Le cuir “pleine fleur” :il s’agit de la partie la plus belle partie de la peau, sans défaut et la plus lisse. En général, celle-ci est assez petite car très localisée (ventre) et donc coûteuse.
La croûte de cuir :il s’agit de la partie inférieure (verso) de la peau, d’un aspect un peu granuleux et plus rêche, comme du daim.
Le nubuck : cuir pleine fleur légèrement poncé en surface et sans défaut. Il s’agit du cuir sur la talonnette de nos N’Zassa Iroko. Le toucher est donc très doux et plus fin que la croûte. En revanche, ce type de cuir est plus fragile et nécessite un entretien régulier.
Les dernières avancées en France
Les marques de luxe sont de grandes consommatrices de cuirs et notamment de cuirs “exotiques”. Chanel, une des marques françaises les plus emblématiques, a décidé en 2018 d ‘utiliser exclusivement des peaux issues du secteur agro-alimentaire et de renoncer aux peaux exotiques comme le crocodile ou le lézard. En effet, ces animaux sont trop souvent exploités pour leurs peaux dans des conditions d’élevage « industrielles” et peu éthiques.
Le travail du cuir n’est pas sans déchets. Les morceaux de cuir sont nombreux à la fin d’une production. Mais bonne nouvelle ! À Paris, la Réserve des Arts récolte les morceaux de cuirs et de textiles de grandes Maisons de luxe (mais pas que) et les revendent pour qu’ils soient valorisés et upcyclés. Une super initiative créatrice d’emplois !
Les différents types de tannage
Place maintenant au sujet qui fâche : le fameux tannage. Les tanneries sont souvent pointées du doigt pour l’utilisation de produits chimiques hautement toxiques et dangereux pour la Planète. Cependant, tous les types de tannage ne sont pas aussi nocifs. La filière du cuir française notamment, évolue vers des politiques RSE de plus en plus abouties et avec la mise en place de processus de plus en plus « cleans ». Que le tannage soit réalisé avec du chrome ou de manière végétale, les étapes restent les mêmes, seuls les agents de teinture changent.
Le tannage minéral ou au chrome
Largement utilisé depuis le 19ème siècle pour sa facilité et sa résistance au temps et à la lumière, le tannage minéral représente aujourd’hui près de 80 à 85 % de la production de cuir mondiale selon Première Vision. Leather France explique que le tannage dit minéral est un cuir tanné avec du tanin à base de sulfate de chrome (Chrome III) et qui le rend souple et élastique. Très rarement, ce tannage implique l’utilisation de sels d’aluminium. Le cuir, à la sortie des foulons, est appelé “ wet-blue” en raison de sa teinte bleutée laissée par le chrome. Vous pouvez presque le voir sur vos sneakers préférées (pas Wibes bien sûr). Ce tannage permet d’obtenir un blanc immaculé “optique” contrairement au tannage végétal.
Le positif : le tannage au chrome est rapide et si répandu que son prix est plus “raisonnable”. De plus, les teintes des cuirs tannés au chrome sont plus résistantes à la lumière et à l’usure.
Le négatif : le chrome 3 utilisé lors du tannage est un agent chimique qui, sous certaines conditions, peut s’oxyder et se transformer en chrome 6, pouvant être allergique et même cancérigène s’il est présent en trop grande quantité.
Une possible solution : limiter son utilisation ou limiter sa consommation à des produits européens contrôlés ! En effet, Première Vision explique qu’en “Europe, la réglementation fixe le seuil de chrome présent dans le cuir à 3mg/kg”. De plus, les tanneries européennes sont soumises à la norme “REACH”, “règlementation européenne entrée en vigueur en 2007 pour sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne”, explique le Ministère de l’Écologie qui contrôle activement les substances chimiques utilisées dans chaque produit. L’objectif est aussi de protéger les employés de tanneries, première victimes de conditions de travail difficiles et pas toujours réglementées.
Le tannage végétal
Première Vision estime que ce type de tannage représente seulement 10 à 15 % de la production mondiale de cuir, ce qui reste très faible par rapport au tannage au chrome encore largement utilisé dans l’industrie.
Au 19ème siècle, ce type de tannage à base d’écorce de chêne était largement utilisé, mais celui-ci était long et contraignant car les teintes produites étaient assez foncées. Aujourd’hui le tannage est plus rapide (2 jours) mais plus long que pour le tannage au chrome car les tanins végétaux prennent plus de temps à se fixer sur la peau.
En effet, les peaux sont mises dans des foulons ou grandes cuves avec des tanins végétaux comme du bois, des écorces, des racines ou des feuilles.
Le positif : le Conseil National du Cuir explique que “son innocuité et sa bonne absorption de l’humidité conviennent enfin aux chaussures, articles orthopédiques et semelles”. Aucun produit chimique n’est utilisé dans le processus de fabrication qui reste moins dangereux pour les travailleurs et le consommateur final. L’autre avantage du cuir au tannage végétal est que celui-ci résiste bien à l’humidité !
Le négatif : celui-ci a tendance à être plus sensible aux rayons ultraviolets. Le “blanc” par exemple est légèrement beige et peu légèrement jaunir à la lumière du soleil. De plus, celui-ci est plus rigide ce qui est positif notamment en maroquinerie mais plus compliqué à travailler dans le monde de la chaussure.
Une possible solution : il vous suffit de faire attention à ne pas laisser vos baskets à la lumière du soleil trop longtemps. On vous explique ici comment préserver vos baskets de l’usure.
Les “cuirs” vegan, synthétiques ou végétaux
Exemple de Piñatex coloré
De nombreuses alternatives au cuir commencent doucement à émerger depuis quelques années maintenant. Avant toute chose, le “cuir vegan” n’est pas un terme correct car ces produits ne proviennent, par définition, pas de peaux animales. En revanche, les alternatives vegan ne sont pas toujours des solutions naturelles et respectueuses de l’environnement. Bref, comme pour tout produit, il y a du positif et du négatif. Malheureusement pour nous, le produit parfait n’existe pas (encore).
Le Piñatex, pionnier dans le secteur est aujourd’hui largement utilisé dans l’industrie textile et maroquinerie éco-responsable. Comme son nom l’indique, le produit final est fabriqué à base des feuilles d’ananas. Alors produit responsable ou marketing ? À lui seul, le Piñatex nécessiterait un article complet tellement le sujet est vaste ! Selon le fabricant ayant breveté, le Piñatex pourrait remplacer plus de 50% de la production globale de cuir animal.
Le problème ? Le Piñatex est un produit d’origine naturelle, provenant d’un déchet et valorisé. C’est donc très positif ! Mais attention, la composition du produit n’est pas 100% biodégradable ni éco-responsable. Le revêtement utilisé est en fait un dérivé du plastique, il ne représente que 10% du produit mais cela doit quand même être souligné !
D’autres alternatives similaires existent : à base de cactus (oui oui, et garanti non piquant), de pommes, de raisins ou encore de champignons.
Les solutions : accepter qu’aucune matière première n’est parfaite. Le cuir est certes durable mais pose de nombreux problèmes éthiques. Les alternatives au cuir quant à elles, sont certes plus éthiques mais posent un problème dans leur composition et cycle de vie.
Quelques finitions :
Après avoir sélectionné l’usage du cuir, le type de peau et le tannage, la tannerie choisit en général la finition du cuir.
Le cuir grainé : il s’agit d’un cuir avec un aspect plus granuleux en fonction de la taille du grain choisi, et où les rainures de la peau sont « faussement » visibles. En effet, ce n’est pas naturel ! Le cuir est passé sous une presse qui va recréer cet aspect grainé. Utilisé pour des cartables ou des sacs à main par exemple.
Cuir grainé
Le cuir embossé : le cuir est passé sous une presse pour créer un aspect “peau”. Il est possible de faire des cuirs embossés “serpent”, « crocodile » ou encore “éléphant”. Les possibilités sont infinies.
Le cuir pleine fleur pigmentée : cette finition est une pigmentation de la surface du cuir pleine fleur. Le grain du cuir a été conservé pour un aspect très naturel. Certains petits défauts ont été masqués par la finition opaque. L’entretien est facile et le cuir robuste.
Le cuir pleine fleur corrigée pigmentée : il s’agit de la même transformation que le cuir pleine fleur pigmentée, seulement les imperfections ont été corrigées, poncées. La couche de pigmentation est plus épaisse et le rendu beaucoup moins naturel.
Le cuir foulonné : ce type de finition est obtenu après avoir “battu” le cuir dans un foulon (machine de type moulin). Cela rend la peau souple et texturée.
Le cuir pleine fleur aniline : cette finition se rapproche le plus du cuir naturel sans traitement et avec très peu de défaut. Cela signifie que le grain de la peau est toujours visible. Celui-ci est teinté d’une fine couche d’un coloris transparent pour conserver l’épaisseur et l’aspect naturel du cuir. Il reste fragile, sensible à la lumière et se patine vite car la couche est fine et délicate.
Le cuir semi aniline : le procédé reste le même, le grain est aussi visible mais le cuir est recouvert d’une couche protectrice et pigmentée qui lui confère une meilleure résistance.
Conclusion
Malgré ses défauts, le cuir reste une matière de (grande) qualité et très durable qui permet de ne pas jeter ses paires de baskets au bout de 6 mois. Le site Wedressfair explique qu’il “est difficile de peser la balance entre le pour et le contre : cette matière est aussi un gage de qualité pour des produits qui vont durer dans le temps. Et les alternatives au cuir ne sont pas forcément très convaincantes”.
Il est vrai que les matières alternatives et synthétiques ne sont pas forcément meilleures pour l’environnement. Il faut garder à l’esprit que la matière parfaite n’existe pas (ou pas encore du moins) et que les arguments pour ou contre le cuir sont tous recevables. En revanche, il vaut mieux privilégier des cuirs au tannage végétal avec une provenance et des tanneries européennes où les conditions de travail sont décentes et éthiques. Même si le monde des tanneries est une industrie opaque dans laquelle il est difficile de tracer la provenance des matières premières, certaines s’ouvrent à des procédés plus respectueux de l’environnement comme le cuir 100% biodégradable au tannage 100% végétal utilisé sur les Wibes. La tannerie familiale sélectionnée par Wibes se trouve au Portugal dans la région d’Aveiro, près de Porto et propose un type de tannage le plus éco-responsable possible. En effet, le cuir laissé dans la nature se décompose en seulement 15 jours !
L’entretien du cuir est primordial afin que celui-ci reste durable. Entretenez vos vêtements en cuir, vos sacs et surtout vos baskets en cuir avec un chiffon doux et des produits nettoyants adaptés au type de cuir. Et c’est pareil pour l’imperméabilisant ! N’imbibez pas trop votre éponge d’eau car vous risquez de noyer le cuir. Autre astuce, le séchage se fait loin d’une forte source de chaleur.
Pour plus d’informations spécifiques aux chaussures et en particulier l’entretien des différents éléments des baskets en cuir blanc et coloré, comme les lacets, les semelles ou la tige, c’est ici.